Le design comme défenseur d’idées

Le design critique qui vise à dénoncer, à promouvoir, à faire bouger les choses ou à créer un mouvement ne date pas d’hier. L’exemple le plus probant fut incontestablement l’écriture et la publication du manifeste First Things First en 1974, qui fut ensuite revisité en 2000 par un autre groupe de designers défendant les mêmes idées. Pour répondre à la vaste question du rôle du design critique et de sa position dans notre société actuelle, il est impératif de rappeler l’intention première du designer.

Le designer critique travail pour faire passer des idées, pour faire entendre un point de vue. Il n’a pas comme ambition qu’on lui exploite ses talents pour tenter faire vendre toujours plus de produits qui deviendront obsolète l’année suivante. C’est principalement ce que revendiquait la troupe de designers signataires du manifeste First Things First en 1964. C’est un renversement des priorités en faveur du plus utile et d’une forme de communication durable.

“We promote our trade, our education, our culture and our greater awareness of the world.” – (First Things First, 1964)

35 ans plus tard, ce sont sensiblement les mêmes demandes qui sont effectuées dans le deuxième manifeste. Les designers réitèrent qu’il est maintenant plus urgent que jamais d’effectuer un changement de mentalité loin de la commercialisation d’objets.

“Consumerism is running uncontested: it must be challenged by other perspectives expressed, in part, through the visual languages and resources of design.” – (First Things First, 2000)

Après un discours de Ken Garland (designer reconnu entre autre pour son affiche Aldermaston to London Easter 62) lors d’une réunion de la Society of Industrial Artists à la London’s Institute of Contemporary Arts, le manifeste a eu son réel coup d’envoi. Des centaines de copies ont été publiées et il s’est avéré, suprenamment, qu’Anthony Wedgwood Benn (Labour Member of Parliament) ait publié le manifeste dans son intégralité dans sa tribune au journal Guardian.

Un autre exemple qui démontre bien qu’il est possible de faire bouger les choses en se servant du design critique vient de Robin Fior et de son attitude radicale face à la politique. Son intelligence critique et son expertise en design graphique ont fait de lui quelqu’un en demande particulièrement lors de la révolution portugaise en 1973. Ses talents furent ensuite utilisés à des fins de propagande pour la Campagne pour le désarment nucléaire (CND). C’est également lui qui a entraîné Ken Garland dans la mise en oeuvre de la fameuse affiche Aldermaston to London Easter 62.

Pourquoi maintenant n’avons-nous plus de tels exemples majeurs de gens qui se rallient pour créer des mouvements de telles ampleurs (ex: écriture de manifeste)?

Comme l’explique Fransisco Laranjo dans Critical Everything, de nos jours, les designers sont très froids à l’idée de critiquer leurs collègues. De peur, peut-être, de créer des guerres au sein même du domaine. Tous se rallient, tous font semblant, tous mentent à propos de leurs réelles impressions, car sinon ce serait de la mauvaise “relation publique” (PR).

“…the design press predominantly excels at what it does best: celebratory press-releases and descriptive news, peppered with some sentences by the designers themselves describing and validating their own work.” – Francisco Laranjo, 2015

Maintenant que nous avons accès à toute une panoplies de plateformes comme tribune pour s’exprimer (réseaux sociaux), comment faire en sorte de continuer à se battre pour notre réelle valeur, sans tomber dans le criticool style, qui semble être la technique à la mode en 2015?

“…design was in danger of forgetting its responsability to struggle for a better life for all.” – Rick Poynor, 2000


Mots-clés_ design critique, renversement des priorités, choix sociétal, aspect politique


Bibliographie

GARLANG, K. First Things First. 1964

POYNOR, R. First Things First (Revisited). 2000

Eye. Revolutionary Language. 1999 [en ligne, consulté le 07 octobre 2015].  Eye no. 32 vol. 8, disponible au   http://www.eyemagazine.com/feature/article/revolutionary-language

LARANJO, F. – Critical Everything, 2015

Leave a comment